Le maire, l’architecte-urbaniste et le citoyen. La petite ville, terreau d’expérimentations avec les habitants

12 mars 2020Rêves et Débats

À la veille des municipales, nombreuses sont les grandes villes à avoir mis la participation au cœur des programmes. Loin des métropoles, les élus de petites villes font face à d’autres enjeux, entre perte de compétences et manque de moyens humains et financiers. Une opportunité pour les professionnels du projet urbain, qui ont toute leur place à jouer pour proposer des méthodes plus collectives !

Par leur responsabilité dans l’élaboration des documents d’urbanisme et les dépôts de permis de construire, les élus locaux jouent un rôle majeur dans les schémas d’acteurs du projet urbain, même s’ils confient parfois l’aménagement technique de certaines opérations à des Sociétés d’Économie Mixtes (SEM) ou à des sociétés privées. Dans les petites villes, commanditaires du projet urbain, les élus constituent des maîtrises d’ouvrages « occasionnelles » (Mariolle et De Gravelaine, 2001) par rapport à des maîtrises d’ouvrages professionnelles « expérimentées et organisées » des grands centres urbains. Les compétences qu’ils doivent mobiliser sont plurielles et d’autant plus spécifiques que le projet urbain implique les habitants, pratique assez exceptionnelle jusqu’au début des années 2000.

 Repenser le rôle de l’élu dans un cadre législatif de plus en plus contraint

Réaliser un projet urbain participatif ne va pas toujours de soi pour les élus locaux de petite ville : il est nécessaire de repenser leurs rôles, dans un cadre législatif de plus en plus incitatif à l’égard de la participation citoyenne. Or, dans un contexte d’affaiblissement de leurs moyens humains, financiers et de transfert de compétences vers des échelons supérieurs, il semble que les élus laissent une plus grande autonomie d’ingénierie de projet aux technostructures intercommunales, mais aussi aux consultants telles que les agences d’architecture et d’urbanisme.

À partir de l’expérience de l’agence d’architecture et d’urbanisme nantaise « Atelier du Lieu » (spécialisée en participation citoyenne), notre thèse1 a cherché à comprendre comment le projet urbain était préparé, porté par l’élu de petite ville, tout en analysant la place qu’y prenaient les habitants. Notre posture, en situation de participation observante2 comme architecte-urbaniste, nous a permis de nous immerger à la fois dans le dispositif participatif et au cœur du projet urbain.

 

Au cœur du développement durable, un nouveau souffle pour la participation citoyenne

La notion de participation citoyenne en urbanisme, émerge en France dans le cadre des « luttes urbaines » des années 1960-1970 (Bacqué et Gauthier 2011), mais connaît un essoufflement pendant les deux décennies suivantes (Paoletti 2007). Les mouvements d’initiatives locales se délitent avec le départ des couches moyennes des « nouveaux quartiers » périphériques, et la « notabilisation » des leaders associatifs ; la politique de décentralisation instaurant une « démocratie de proximité » signe le renoncement de la gauche à revendiquer un système politique plus participatif (Bacqué et al. 2005 ; Hatzfeld 2011). Avec la montée en puissance des enjeux de développement durable, la question de la place du citoyen-habitant dans l’aménagement connaît un regain d’intérêt à partir des années 2000, qui se traduit par la mise en œuvre d’un ensemble de textes réglementaires préconisant le développement de telles démarches en amont des projets urbains3.

Parallèlement et de ce fait, l’activité scientifique et les projets autour de cette question trouvent un nouvel essor4. Ce regain d’intérêt pour la participation citoyenne dans la communauté scientifique et chez les professionnels de l’urbanisme reflète un besoin de compréhension, voire d’accompagnement, d’un phénomène en cours. Or, malgré la prolifération de thématiques, d’objets et d’acteurs étudiés, on constate actuellement que l’élu local de petite ville reste une figure bien peu étudiée par les recherches sur l’urbanisme participatif. Notre point de vue, au cœur du processus de projet, nous a permis de comprendre les opportunités et les difficultés auxquelles l’élu de petite ville et le consultant sont confrontés.

Le « Bricolage des petites villes »5 : la faible structuration des services techniques et le manque de formation des élus

La mise en œuvre de projets urbains participatifs est confrontée à divers types d’obstacles , liés notamment à une posture relativement méfiante du maire et de sa garde rapprochée (le DGS, son adjoint à l’urbanisme), à l’égard de toute disposition pouvant leur donner le sentiment qu’ils ne sont plus totalement maîtres de la décision. D’autre part, le cadre réglementaire incitatif assez large de l’article 7 de la charte de l’Environnement, qui préconise la participation des citoyens à l’élaboration des décisions qui ont une incidence sur leur cadre de vie, reste peu connu et peu appliqué. « Le bricolage des petites villes », évoqué par Hélène Mainet (2011) à propos du marketing territorial, peut s’appliquer à l’ingénierie de la concertation et du projet urbain6. Les services techniques très généralistes sont peu structurés à l’échelon communal et peu formés aux questions de participation citoyenne ou de processus de projet. Les élus de petite ville éprouvent, par ailleurs, des difficultés à élaborer leur commande vis-à-vis de leurs prestataires : identifier les compétences nécessaires selon la nature du projet et son niveau d’avancement, ou encore définir le type de mission à accorder.

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sur la revue Sur-Mesure<